Une étude menée par l’Association médicale en Israël a indiqué que plus de 96 % des détenus qui ont été amenés dans des hôpitaux au cours des deux dernières années étaient menottés, les pieds ligotés et attachés à leur lit, même s’ils n’étaient pas capable de s’échapper ou de commettre un acte violent.
Selon les données fournies par l’étude, et publiées par le site Arab 48, sur les 1 857 détenus qui ont été soignés dans les hôpitaux, 1 794 ont été enchaînés pendant leur traitement : 98,5 % de ceux amenés par l’autorité pénitentiaire, 97 % de ceux amenés par la police et 83% de ceux amenés par l’armée israélienne étaient menottés.
Les chercheurs ont découvert que la proportion de détenus mineurs amenés à l’hôpital menottés était plus élevée que celle des adultes. Dans la plupart des cas, ils étaient attachés au lit de manière croisée ou ils étaient enchaînés avec le pied droit et la main gauche ou le contraire, en plus des menottes.
L’armée israélienne amène les détenus à l’hôpital pour y être soignés, pourtant ils ont les yeux bandés, et les maintient également dans cet état à l’intérieur de l’hôpital.
L’étude a été menée dans 12 hôpitaux à l’intérieur d’Israël et s’est basée sur les dossiers du personnel médical et des gardiens de l’hôpital.
Et le journal Haaretz a rapporté dans son numéro publié le mercredi 4 avril, que l’étude a été signée par 20 médecins, dont la plupart travaillent dans 11 hôpitaux et quatre universités.
L’étude s’intéressait au fait que la loi israélienne n’aborde pas clairement la question du menottage pendant un traitement médical. Selon le texte de la loi, "un détenu ne doit pas être enchaîné dans un lieu public, sauf si un policier estime qu’il existe une crainte raisonnable qu’il puisse s’évader, causer des dommages à un corps ou à des biens ou endommager des preuves".
Le directeur adjoint de l’hôpital Shaare Zedek de Jérusalem, le professeur Dan Turner, l’un des participants à l’étude, a déclaré qu’il n’y a pas de différence entre les détenus palestiniens et les prisonniers criminels en ce qui concerne le menottage pendant les traitements médicaux dans les hôpitaux.
Il a souligné que parmi les détenus figurent des Haredi et des militants qui ont participé à des manifestations, notamment les manifestations hebdomadaires devant le domicile officiel de l’ancien Premier ministre Benjamin Netanyahu, et ont été emmenés menottés dans des hôpitaux, ainsi que des prisonniers criminels adultes et des détenus mineurs palestiniens.
Turner a ajouté : "Pendant 20 ans, je n’ai pas prononcé un mot sur le sujet, et ce n’était pas par indifférence, mais plutôt par manque de connaissances et réticence à intervenir en la matière. Mais il y a deux ans et demi, un garçon de 14 ans est arrivé de Shuafat après avoir reçu des balles dans les jambes, tirées par des policiers.
Les médecins ont essayé de sauver sa jambe, mais sans succès. Quand il s’est réveillé, sa jambe droite était attachée et sa jambe gauche était coupée au-dessus du genou. Ses parents n’étaient pas à ses côtés, et à leur place se trouvaient trois gardes armés, la main attachée au lit. C’est la situation qui m’a secoué."
L’infirmière Nurit Wagner, du Syndicat des infirmières, et le responsable du département d’éthique du Syndicat des médecins, Tammy Karni, ont déclaré que la situation s’est aggravée ces dernières années. Il y a environ 15 ans, nous en voyions entre 30 et 40 % menottés. Il y avait aussi quelqu’un à qui je pouvais parler pour retirer les menottes. Aujourd’hui, il n’y a personne à qui parler. Je ne comprends pas les problèmes de sécurité, mais ils attachent tout le monde par manque de professionnalisme. S’ils sont tous aussi dangereux, alors nous ne savons pas vraiment qui est le plus dangereux."
Les médecins chargés de l’étude ont souligné que cette situation implique souvent une contradiction irrationnelle. Dans un cas, un détenu souffrant d’hyperglycémie et de douleur a été amené. Dans un autre cas, un détenu atteint de paralysie cérébrale et utilisant des jambes artificielles a été amené, il était menotté à sa jambe, et un détenu souffrant d’une maladie mentale a subi une intervention chirurgicale à l’estomac, et tout mouvement lui cause des douleurs.
Dans un autre cas, un détenu palestinien de 19 ans a été amené, souffrant de la propagation d’un cancer dans son corps et de graves douleurs osseuses. Turner a déclaré : "Ce détenu palestinien a été menotté à la jambe droite et à la main gauche, il pleurait et a demandé d’arrêter le traitement et de retourner en prison, car il ne pouvait plus supporter la souffrance. Il m’a fallu trois heures et demie au téléphone pour qu’ils acceptent enfin de retirer les menottes."
L’étude a confirmé que le menottage affecte non seulement la dignité humaine, mais rend également difficile le traitement médical.
Les médecins ont souligné que le menottage des malades nuit à la santé et entrave la guérison. Il ne permet pas de bouger ni même de se retourner dans le lit. Il provoque également des douleurs et des blessures dues à la même position allongée pendant une longue période. Le menottage cause aussi des blessures à l’endroit des menottes, en plus de nuire au contact entre médecins et malades.
Traduction : Moncef Chahed pour l’AFPS